Le peuple noir au grand complet. On aurait pu imaginer la version épique : des groupes arrivant d’horizon différents, ayant tous le soleil dans le dos en descendant leur colline verdoyante, courant de bonheur. On aurait pu y croire à la version disney. Mais on l’a pas fait. Donc ça ressemblait à la vérité, la triste réalité du monde d’après.
Des pouilleux qui paraissent plus propres que les autres parce que noirs de base. Plus méchants aussi. Ils arrivent ensembles, en paquet informe et fatigué. Les chefs et les grandes gueules devant, les autres derrière selon un ordre chaotique. Le nouveau clergé de la nouvelle église attend les nouveaux arrivants au pied d’une battisse effondrée sur elle-même – pitoyable allégorie de l’humanité. Les décombres et les gravats forment un immense sofa inconfortable où pourtant tous posent leurs culs de temps à autre. Mais rien n’y fait, le décor, le contexte, la malnutrition, rien : ils sont heureux. Le peuple se renforce, se rencontre et se réuni encore et encore.
Au milieu des gangsters et des réchauffés du bulbe rachidien il y a un papy, un ancêtre. Il marche tranquillement, d’un pas assuré par des décennies de pratique. Ses yeux luisent et projettent sur toute chose un regard étrange, trouble. Ses mouvements sont lents mais imposants. Ses paroles sont sèches mais réconfortantes, quelque part.
Qu’un homme aussi vieux tienne encore debout dans ce monde produit l’espoir, que personne n’attendait plus. Lui se pose en symbole d’un peuple d’esclaves, qui s’est libéré et qui compte faire bouffer à coup de talon dans les dents la monnaie du putain de billet de banque. Lui il se pose en ancêtre, et attends les égards dû à la vieillesse. Illusoire ? Oui. Mais si il ne les trouve pas ici ces putains d’égards, il ne risque pas de les trouver ailleurs.
Les gueules d’amours roulent des mécaniques, les prêtes prêchent, les putes ont peur et usent de leur séduction comme d’une bombe lacrymo.
Pendant ce temps, notre vieux noir remonte le courant des briques effondrées, se camoufle dans l’obscurité cavernale des ruines et entame un blues a capella. Le son de sa voix heurte les murs délabrés, rebondit sur les vestiges d’une société et se fait entendre au dehors, puissant.
sur fractal, avec le son
