Escandalosa Hechicera

- Bruja, bruja…

Depuis quelques heures, déjà. « Bruja, bruja… » Assise au milieu d’un cercle de torches plantées dans le sable – cinq ou six –, la petite gitane répétait inlassablement ce mot, comme une lourde litanie. Il était chantonné de sa voix douce, quoique teintée d’une étrange note de noirceur. Devant elle, l’habituel chaudron laissait échapper de minces nuages d’une fumée blanche. Les feux l’éclairaient d’une lumière crue et rouge qui tremblait toute vive.
Posée à côté d’elle, de la menthe. Tout à côté, une petite plante à feuilles ovales, dont la fleur à corolle pourpre paraissait avoir un peu souffert. La racine n’y était plus, le suc avait été extrait de la tige.

Esmeralda préparait des tisanes pour la troupe. L’eau bouillante fut versée dans d’antiques bols faits de bois. La menthe ajoutée. Elle couvrirait la présence de la mandragore dans le dernier bol.
Placé un peu à l’écart des autres. Délicatement, la « bruja » y versa le jus et quelques grains de poudre. Cette tisane était pour Fehed.

Fehed, le tortionnaire. Le violeur. Qui la surveillait sans cesse, la traitait comme une moins que rien. Qui, après une longue discussion dans sa tente, avait toujours refusé de libérer totalement la gitane. Elle était son jouet. Si Esmeralda pouvait le tuer, elle ne le faisait pourtant pas. Ne l’envisageait même pas. Trop dangereux. Mais elle pouvait endormir sa vigilance, pour quelques heures au moins…
La mandragore le ferait dormir d’un sommeil profond. Puis lui procurerait des hallucinations, au réveil. Les effets se dissiperaient, et l’esclave ne serait plus là. Elle serait près de Michonne, repérée quelques lunes plus tôt. L’Egyptienne avait longuement observé la femme à la crinière de lionne. Une intuition. Elle n’était pas tout à fait comme les autres. Le plan n’était pas infaillible, bien entendu. Peut-être Michonne la livrerait-elle à Fehed. Mais peut-être pas.

Esmeralda se leva, enjamba les torches. Les bols fumants furent distribués, l’empoisonné atterrit dans la main du boxeur.

- Sueño de plomo…

Ne restait plus qu’à attendre…
Attendre.

Sorcière, sorcière…

Les jours passaient indistinctement autour de l'attroupement de chameaux. Quelques accrochages avec des passants, quelques anicroches avec certains Bro's. Rien que de très banal.

Alors quand la silhouette de la jeune gitane se découpe dans l'aura flamboyante du feu de camps, la curiosité de Michonne se réveille.
Esmeralda était l'esclave de Fehed, aussi sûrement qu'Amya était son esclave. Pas besoin de le préciser, tous dans le camps le savait.
La voir seule ne pouvais signifier que peu de chose, et dans tous les cas Fehed devait se trouver en position de faiblesse.

Fehed l'infect cafard. L'arriviste. Le Tape-dur vindicatif, soupe au lait et simple d'esprit. Imaginer cette crevure en détresse était le meilleur... un des meilleurs cadeaux de ces derniers jours.

La Gitane s'approche encore un peu, hésitante, presque implorante et Amya se presse à sa rencontre. Brave Amya, pense-t-elle en se redressant. Au moins la lionne n'aura pas a saluer la nouvelle venue.
Sous ses yeux, il est en train de se passer un trucs c'est sûr, reste à comprendre et tirer son épingle du jeu.

Ta gueule Amya.
Prépare les armes et réveilles Wall-E, j'sens l'embrouille.
Et toi la manouche, j'espère qu'le cri c'était bien c'lui qu'je crois. Sinon j'te renvoi fissa dans ton goulag.

- Se morerá…

D’un murmure à faire frémir le plus inébranlable des « gangtas »…
La lionne noire n’avait d’abord pas adressé un mot à la gitane. Tout au plus un regard presque victorieux.

La main desserra sa prise sur le bout de l’arme de fortune. Autour du bras à la peau ambrée, la chaîne rouillée grimpait comme un serpent.
Serpent démoniaque, serpent de malheur. L’un des leurs allait tomber. Du venin craché par l’animal sortait comme une malédiction ; la sorcière avait rendu fou le valeureux. Et il y en aurait d’autres, sans doute, d’autres. A commencer par Wal l’infâme. Muet jusque là, mais qui ne tarderait sans doute pas à retrouver de sa verve lorsqu’il aurait reconnu l’Egyptienne. Qu’il avait achetée à Fehed quelques temps, contre on ne savait quoi, pour satisfaire ses envies primaires.

Mais le problème pour le moment restait le boxeur.
Sorcière, serpent au savoir inquiétant, connaissant les secrets de l’après-vie.

- Il va mourir, « Santa Leona ». Il chevauche vers la fin du monde, le cavalier noir de l’Apocalypse.

La petite gitane savait alors que Fehed était parti sans nourriture, sans eau, sans rien. Trop inconscient. Courant vers sa propre perte. Si on l’accusait, elle serait coupable. La mort qui s’annonçait prochaine ne l’émouvait pas. Comment pleurer un tortionnaire, comment pleurer celui qui l’avait violée et humiliée pendant des lunes ? Bien au contraire. Sa remarque ironique avait sonné comme un glas.
Esmeralda eut un sourire mauvais, qui disparut lorsqu’elle reposa les yeux sur Michonne. Reprise de sa fausse innocence. Elle sortit d’une petite poche de son sac un sachet rempli d’une poudre peu colorée, qu’elle jeta à terre. Le contenu se répandit dans le sable.

- Il est fou.

Il y en aurait d’autres.


( http://www.fract.org/forums/index.php?sujet=1626 )

Ok...
T'as l'air bien perchée la nouvelle. Mais au moins t'as réglé mon plus gros problème. Ce gros tas merdeux de Fehed.
J'sais pas c'qu'il t'a fait, et j'm'en cogne. Même si j'me doute que ca a du être crade et long... quoique.

Levant un bras vers l'esclave elle se saisit de la chaîne et d'un geste brusque entraine la nouvelle vers le sol. Un instant surprise, roulant dans le sable et les cailloux, consciente du danger mais ne saisissant pas tout de la situation, Esméralda ne peut qu'observer avec un regard interrogateur, la réaction impulsive de celle qu'elle nomme "la Lionne".
Levant sa crosse au zénith, Michonne l'abat aussi soudainement que le reste, brisant la chaîne et le symbole qui l'accompagne.

Voilà, on est quitte la manouche.
T'es libre.
S'tu veux t'casser j'm'en balance. Nique sa mère tu fais ta life.
Sinon tu prends ca.

Elle lui jette une paire de gant de combat et lui lance un dernier regard pour la jauger.

Et tu roules avec nous. Tu poses pas d'questions, tu fais c'que j'te dis et tout d'vrait couler tranquille.
Inch'allah...