Les dents se serrent, et quand elle se retourne pour enfouir ses selles dans le sable, elle comprend pourquoi son corps est toujours plus lourd et pénible à mouvoir de lune en lune.
Se déplacer sans laisser de traces est le B.A.BA de la survie. Mais là, elle sait qu'il lui faut atteindre la MAN la prochaine lune, sans quoi il ne serait plus nécessaire de faire attention à ses arrières, et même à ses avants.
Elle reste accroupie quelques minutes, serrant un livre sale et écorné contre le ventre, pour le protéger, comme pour le réchauffer. Sa tignasse emmêlée frissonne et dégouline de pluie de l'orage.
Putain, je saurai jamais ce qu'il y a dedans, si je baisse les bras maintenant...
... Fatou, laisse-le. Ce livre, je te le dis ma fille, ce ne sont que des gribouillages, que des conneries que Mama écrit pour faire peur aux cons. Tu vas te crever pour rien, et ta vie servira à rien...
... Vacherie, voilà la fièvre, j'suis mal... Ils font comment les autres pour pas débloquer à force de marcher dans le désert. Tout était plus simple dans la planque de Mama...
Arrête de claquer des dents, concentre-toi sur la voix de ceux que tu vas rejoindre... remémore-toi leur voix. La voix de tes frères, ils ont tous l'air de s'éclater, de vivre à fond... Si tu les vois, remercie-les, tu leur devras la vie.
